En France, cinquième puissance
économique mondiale, il y a cinq millions de chômeurs et neuf
millions de pauvres.
Lorsque, j'étais enfant, les chômeurs
n'existaient pas. Nous vivions à la campagne et nous trouvions
toujours une activité pour gagner de l'argent. Nous n'étions jamais
inactifs. L'industrialisation a créé le chômage et le prolétariat.
Je pense que les hommes sont heureux lorsqu'ils ont des activités
liées à la nature et la spiritualité. [...]
Dans un premier temps, pour les
chômeurs, il s'agit de remettre à l'honneur les jardins ouvriers
cultivés en bio. Ce premier pas vers l'autonomie alimentaire
permettra aux jeunes de découvrir des vocations étonnantes. Devant
les souffrances qui, cette fois-ci touchent toutes les classes de la
société, l'État est invité à promulguer une réforme agraire.
Elle consiste à distribuer une parcelle de terre à la mesure des
bouches à nourrir : par exemple, un demi-hectare pour une petite
famille. Ces terres louées par l'État sous forme de bail
emphytéotique renouvelable proviennent des expropriations contre
compensations aux propriétaires. Le Japon, en situation de famine en
1947, distribua un demi-hectare à chaque famille et, en moins de
trois ans, devint auto-suffisant du point de vue alimentaire.
Aujourd'hui, on dit facilement : « quand le bâtiment va, tout va ».
L'expérience récente montre clairement que ce dicton n'est plus
juste du tout. On peut le remplacer par « quand l'agriculture
familiale va, tout va. » Le paysan a comme mission de soigner la
nature et, dès lors qu'on lui permet de gagner sa vie en voulant
bien lui payer la nourriture au prix qu'elle vaut, il aura toujours
le souci de bien faire. Bien faire est la fierté du paysan.
Tous les artisanats aspireront à la
qualité ainsi que les services et les professions libérales. Dans
mon village natal en Flandre, il y avait 3 boulangers, 2 bouchers, 2
cordonniers, 3 tailleurs, 2 menuisiers, 2 forgerons... La «
concurrence » n'existait pas, puisque chaque artisan avait sa
spécificité. La croissance économique n'était pas l'objectif à
atteindre. Le travail était un plaisir et les fêtes enjolivaient la
vie. Après dix ans, vingt ans, la boutique était toujours là. Ils
travaillaient avec leurs enfants et avec des apprentis aussi la
succession était-elle facile...
Il y avait aussi un immense besoin de
culture : poètes, peintres, sculpteurs, comédiens étaient honorés
et respectés. En général, ils avaient leur propre potager et ne se
plaignaient pas de leur choix de vie.
Produire et consommer localement est le
véritable enjeu de l'avenir. Il permettrait d'éviter les transports
qui nous tuent et créent une montagne de déchets, des emballages
inutiles. (Un yaourt a un parcours de 1 000 km avant de se trouver
sur notre table.)
Question tourisme, il est facile de
voir combien le dépaysement qu'on aime rechercher peut se trouver à
une distance étonnamment proche. Dès lors que les petits trains
pourront être remis en service ainsi qu'un service de transports à
cheval, la vie reprendra de vraies couleurs et la convivialité
pourra renaître.
Le retour rural massif permettra, en
plus de la création de millions d'emplois rien qu'au niveau de la
France, de se passer de l'actuel abus de transports, puisque les
consommateurs habiteront à nouveau en majorité sur place, là où
les aliments sont cultivés et transformés. De plus, la consommation
des produits est plus adaptée à notre santé. [...]
Les projets de sociétés, de
mini-sociétés, qui renaissent dans les villages et hameaux sont
porteurs d'espoir vers un retour à la vraie convivialité et à
l'esprit d'entraide, vers le retour au sacré. Le dialogue entre les
pouvoirs publics et toutes les nouvelles initiatives doit être
intensifié. II doit surtout porter sur le statut des échanges
locaux, l'activité des personnes inscrites au POLE EMPLOI, le statut
des artisans à faible revenus, face aux cotisations sociales
coûteuses, le droit du travail, le droit de construire dans les
zones agricoles pour les nouveaux ruraux... Ces nouveaux ruraux
devront retrouver un intérêt à la vie à la campagne et là, c'est
une affaire d'habitude à reconquérir :
• L'habitude de communiquer avec ses
voisins.
• L'habitude d'organiser ses courses
en commun.
• L'habitude de l'entraide.
• L'habitude de la fête aux
nombreuses occasions.
Pierre Gevaert (interviewé par Jean Marc
Governatori).