"Après Maastricht, la monnaie unique, Schengen, le GATT (OMC), le soutien inconditionnel au Nouvel Ordre Mondial, que reste-t-il de la France et de ce qui aurait pu être une Europe conçue autrement que comme une boutique de duty free d’aéroport ? Rien d’autre qu’un champ de ruines."
Dominique Setzepfandt
François Hollande est venu se recueillir sur la tombe de François Mitterrand à Jarnac, chercher "les forces de l'esprit". François Hollande, président va-t-en-guerre, est-il le fils spirituel de François Mitterrand ? Mais qui était réellement Mitterrand ?
François Mitterrand et les sociétés secrètes
« Le matin des magiciens débuta le 10 mai 1981 avec l'élection de François Mitterrand. Dans l'euphorie de la victoire du peuple de gauche aux présidentielles et du raz-de-marée de la vague rose des législatives, on rêva — une fois de plus — aux lendemains qui chantent et qui rasent gratis. Mais l'aube dorée fut celle des initiés. Comme aux plus beaux jours de la IIIe République, les travées de l'Assemblée nationale se remplirent de députés francs-maçons aussi barbus que sectaires, la veille encore instituteurs de la laïque. Le Conseil des ministres ne fut pas en reste : le nouveau monarque républicain s'entoura d'une cour de frères s'entre-déchirant fraternellement.
Mais ce n'était là que le plus visible, l'écume d'une redoutable et secrète lame de fond qui, deux septennats durant, allait submerger non plus les allées du pouvoir, mais le pouvoir lui-même.
La magistrature suprême était occupée par un mage. Un mage pythagoricien comme le subodorait, dès 1985, Arnaud-Aaron Upinski. Combien de propos sibyllins, de décisions énigmatiques, d'actes surprenants — dont on ne saisit réellement le véritable sens que bien longtemps après — ne se comprennent que si on les éclaire à la lumière de cette ombre occulte.
Expliquer sa fringale bâtisseuse par le désir — réel — de laisser sa trace dans l’histoire, comme le prestigieux président architecte et urbaniste qui enrichit Paris d’édifices monumentaux à l’échelle de sa mégalomanie, c’est, en dernière analyse, se condamner à ne pas expliquer grand chose. Même indéniable et constaté par les tribunaux, l’appât du gain n’explique pas tout, loin s’en faut ! Pas plus que la fantaisie du prince ou le hasard il ne fournit le puissant mobile de l’acharnement à réaliser envers et contre tout et tous le Grand Louvre, à imposer la verrière pyramidale de M. Peï, de la volonté de bâtir une arche colossale à l’extrémité de l’axe historique de la capitale, du besoin d’organiser cérémonies et célébrations d’un coût et d’un goût effrayants.
Aucune explication ordinaire ne peut vraiment venir à bout d’un comportement aussi extraordinaire. Et si l’homme, par certains aspects de sa personnalité et de son histoire intime, était aussi extraordinaire que son Grand Œuvre ? Énigmatique, le sphinx élyséen, au lieu de poser des questions, en suscite.
Hiéroglyphes sur la face de la pyramide
« La Géode est une figure de la politique. » Dixit François Mitterrand, lors de l’inauguration de la Pyramide du Louvre, le 14 octobre 1988. Voilà bien une de ces déclarations sibyllines dont celui qui fut — à juste titre — surnommé François le Florentin a le secret. Parlait-il ce jour-là de la salle de cinéma sphérique du parc de la Villette, de géométrie, de minéralogie ? Était-il ébloui par son Grand Œuvre, au point, comme autrefois la pythie de Delphes enivrée par les vapeurs subtiles montant du gouffre, d’être saisi d’un délire aussi prophétique qu’abscons ? Se parlait-il à lui-même une langue qu’il était seul à comprendre ? Ou bien s’exprimait-il, une fois de plus, dans la langue des oiseaux uniquement compréhensible aux initiés ? Partageait-il, avec une poignée d’élus, la jubilatoire certitude de pouvoir orgueilleusement clamer un secret, le secret, en toute impunité ? Intérieurement savourait-il l’ironie de la situation en repensant à ce verset qu’ancien élève des Jésuites il ne pouvait ignorer : « Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez point ; vous verrez de vos yeux, et vous ne verrez point. » ?
Chez François Mitterrand, comme chez d’autres grands initiés, les actes de sa vie publique ne sont que le reflet de sa face obscure. Ainsi dans l’étonnante cérémonie au Panthéon, lors des premiers jours de la gauche au pouvoir, il y a certes une volonté symbolique d’ouvrir une ère nouvelle (que l’on se rappelle l’extra-ordinaire formule maçonnique du Frère Jack Lang : « Nous sommes passé des ténèbres à la lumière ! ») en créant un événement médiatique et, au delà, un choc psychologique mobilisateur du peuple de gauche. Il y a aussi une part de cabotinage effréné : l’homme seul dans le mausolée méditant sur le tombeau des grands ancêtres, rose à la main, était suivi, pas à pas, par une nuée de cameramen.
Mais cela ne doit pas occulter l’essentiel car il nous faut aller au-delà des apparences, dépasser l’évidence pour enfin appréhender, même bien imparfaitement, le grand secret. Ce jour-là, François Mitterrand n’était plus le champion triomphant du peuple de gauche, ni même le nouveau président de la cinquième version d’une République qu’il conspuait férocement jeune homme. Ce jour-là, il était le grand prêtre d’une antique religion dont l’un des innombrables avatars est la franc-maçonnerie.
La date, comme le lieu, n’avaient pas été choisis au hasard. C’était le 21 mai 1981 et le soleil faisait son entrée dans le signe des Gémeaux, des Dioscures, les fameux frères de la mythologie. Dans une projection terrestre du zodiaque centrée sur la pyramide du Louvre, le Panthéon se trouve dans le signe voisin du Cancer, qui, pour les anciens, commandait la Janua inferi, la porte des hommes ou porte des enfers.
Le choix de l’église Sainte-Geneviève pour l’implantation du Panthéon révolutionnaire répondit à des considérations, astrologiques entre autres, bien plus subtiles que la simple volonté de faire disparaître un sanctuaire chrétien. L’église, très ancienne, avait été bâtie par Clovis. En effet, selon la Vita Genovefae, le premier roi chrétien commença l’édification de la basilique des saints Apôtres (qui deviendra par la suite l’église Sainte-Geneviève) et la reine Clotilde l’acheva après sa mort en 511. La tombe du roi portait l’inscription : « Première église que jamais roi de France fonda. » Le site avait été choisi avec soin car il était prédestiné. C’était, à l’origine, l’emplacement d’un haut lieu, le Mont Lucotetius, où l’on honorait la déesse Leucothéa, identifiée par les Romains avec Mater Matuta, l’aurore, mère adoptive du Soleil, fils de la nuit et qui donna son nom à Lutèce. Ce qui faisait de l’église, à proprement parlé, le lieu — hautement symbolique — de l’union du Trône et de l’Autel sur les ruines de l’ancienne religion. Il ne faut donc pas s’étonner alors du traitement particulier que les révolutionnaires infligèrent à l’œuvre de Soufflot : il y avait une revanche à prendre et une vengeance à exercer.
Après d’importantes modifications destinées à la transformer en temple païen, l’église Sainte-Geneviève fut, pendant plus d’un siècle, l’objet d’une attention toute spéciale : on s’efforça d’en faire disparaître toute trace du culte catholique et on la transforma en Panthéon, omphalos d’une France régénérée. En 1793, cette politique vindicative de retournement du sanctuaire vit la destruction par le feu des ossements de sainte Geneviève en place de Grève. Là encore le symbolisme astrologique fut à l’honneur puisque le lieu de l’holocauste se situait sur l’axe historique de Paris, dans le signe de la Vierge (d’un zodiaque centré sur la pyramide de M. Peï). Pour bien signifier aux yeux du monde qu’il ne s’agissait nullement d’un acte de vandalisme imbécile mais d’une opération magique un procès verbal de la cérémonie fut adressé au pape.
Le spectre de la Synarchie derrière l’ombre de la Cagoule
On peut bien sûr ne pas tenir compte des faits, aussi invraisemblables puissent-ils être au premier abord, et préférer croire que François Mitterrand est simplement républicain, socialiste, pro-européen et marié à la fille d’un Frère.
La carrière politique de notre rempart de la démocratie débuta à l’Action française. Ses amis de l’époque, Camelots du roi pour la plupart, le pensaient même affilié à la Cagoule. « Je considérais François Mitterrand comme étant rigoureusement de la même famille [politique] que moi. Tous mes camarades de l’Action française le considéraient alors comme un cagoulard. Ils prétendaient même que Mitterrand avait prêté serment. »
Si la Cagoule, organisation révolutionnaire terroriste, avait pour objectif de faire crever la Gueuse elle n’en était pas moins, au corps défendant de la grande majorité de ses membres, qu’un instrument manipulé par d’inquiétantes sociétés secrètes dont la plus connue une fois de plus tout est relatif — était la fameuse Synarchie. Et nous entrons ici dans le royaume des ombres. [...] Tout désormais va être théâtre d’ombres chinoises, mirages somptueux et cruelles illusions, apparences et évidences trompeuses servant de paravents à la révélation des mystères. Ainsi un complot d’extrême-droite visant à détruire la République se révélera finalement être le jouet de forces occultes l’origine de cette même République. Chaque camp intoxiqué, manipulé, servira d’ingrédient alchimique à un Solve et Coagula destiné faire surgir l’Ordo ab Chaos.
Il y a ainsi des vies vouées au complot et à l’ombre comme d’autres le sont à la prière ou à la conquête du pôle. Qui saura jamais à quel pacte — et avec quelles puissances — François Mitterrand s’est livré, pieds et poings liés, dès ces années-là ?
On nous dira que les hommes changent, surtout les hommes politiques. Certes. Que les jeunes gens, enflammés par la passion, font des bêtises qu’ils regrettent amèrement par la suite. Que celui qui n’a jamais péché leur jette le premier pavé de la barricade. Mais s’agit-il vraiment d’un engagement de jeunesse inconsidéré, d’une erreur que la confusion et la folie de l’époque expliquent sinon excusent ? Ce fut vrai pour beaucoup. Qui, en même temps qu’ils tournaient leur veste, tournaient le dos aux compagnons de lutte de la veille. Mais s’il est bien un grief — un des seuls d’ailleurs — que l’on ne puisse faire à François Mitterrand, c’est de ne pas être fidèle en amitié. On connaît bien peu de politiciens opportunistes — et indéniablement son parcours sinueux prouve qu’il en est un — qui ont eu le courage de ne pas renier des amis aussi encombrants et sulfureux. Mais cette amitié se nourrissait-elle uniquement des souvenirs d’un passé que la plupart s’efforçaient d’occulter ? L’entretenaient-ils du récit de leurs apparents reniements, de leurs prudents silences ? Ou bien plutôt, liés par le même pacte et les mêmes secrets, travaillaient-ils encore à la réalisation de leur Grand Œuvre ? Nous avançons masqués, affirmait Nietzsche. Et il est des masques qui cachent l’effrayante lumière d’un soleil noir.
Le prince de la Maçonnerie
« Ceux-ci [les degrés de la Maçonnerie bleue] ne sont que le Parvis ou l’Antichambre du Temple. Une partie des symboles y est divulguée à l’initié, mais ce dernier est intentionnellement induit en erreur. On ne veut pas qu’il les comprenne. Leur vraie explication est réservée aux adeptes, aux Princes de la Maçonnerie. Tout le Corps de la Doctrine de l’Art Royal et Sacerdotal fut caché si soigneusement, il y a cela des siècles, dans les Hauts Grades, que, même aujourd’hui, il est encore impossible de résoudre bien des énigmes qu’il contient. Il est assez bon pour la masse de ceux qui s’intitulent maçons de s’imaginer que tout est contenu dans les grades bleus ; celui qui essayera de les détromper, perdra son temps et, sans aucun résultat, il violera ses obligations d’adepte. La Maçonnerie est le véritable sphinx enfoncé jusqu’au cou dans les sables accumulés par les âges. »
Nous sommes convaincus que François Mitterrand est un initié. Pas un de ces maçons sans (haut) grade, mais un véritable adepte de l’art royal, un supérieur inconnu. Un de ces princes à qui le sphinx a chuchoté ses secrets, qui ne jettent jamais le masque ni ne baissent leur garde. Un de ceux voués corps et âme par leur pacte à la réalisation du Grand Œuvre.
Quand on scrute ainsi sa vie en y cherchant ce fil conducteur on constate qu’indéniablement François Mitterrand a bénéficié, tout au long de sa longue carrière, d’une protection aussi efficace qu’occulte. Déjà à Vichy, il était l’intime et le protégé de Gabriel Jeantet, chargé de mission au cabinet du Maréchal Pétain, qui sera l’un de ses deux parrains pour l’obtention de la Francisque. Quand soufflera le vent de la défaite (pour l’Allemagne), ce seront encore les réseaux cagoulards, que l’on retrouve dans les deux camps, qui aideront à sa reconversion. Et après la guerre, Mitterrand sera embauché chez l’Oréal dont le patron n’est autre qu’Eugène Schueller, l’ami et le bailleur de fonds de feu Eugène Deloncle, le chef de la Cagoule. En 1946, celui qui avait fait du futur président de la République le rédacteur en chef du magazine Votre Beauté lui offrit sur un plateau une circonscription. Pas n’importe où : dans la Nièvre, qui deviendra par la suite le fief du secrétaire général du Parti Socialiste, un certain Mitterrand François.
Mais c’était avant que ne s’achève la longue mue de l’homme de droite. Et la bonne étoile (à cinq branches) du futur homme de gauche sera encore mise à contribution lors de l’épisode tragi-comique de l’attentat bidon de l’Observatoire. Les poursuites judiciaires qui auraient pu briser dans l’œuf les ambitions du fringant sénateur s’enlisèrent lentement dans les sables mouvants d’une justice qui sait avoir le bras très long quand on exige d’elle l’assouvissement de vieilles haines. D’anciens miliciens qui n’eurent pas la chance d’avoir d’aussi prestigieux parrains que lui en firent la cruelle — et tardive — expérience. Il y a ainsi des dossiers compromettants qui font l’objet de l’étrange et bienveillante cécité de leurs détenteurs. Jamais les trois premiers présidents de la Ve République n’utilisèrent cette arme absolue contre leur challenger. Étonnante mansuétude quand on connaît la rancune haineuse et tenace ainsi que l’absence de pitié d’un certain général de brigade (à titre provisoire) qui n’hésita jamais à faire mettre à mort ses ennemis vaincus. Mais il est vrai qu’il existe des pressions plus efficaces que les pétitions ou les pleurs d’une mère.
Le Mage pythagoricien de la Société des Occultes
Même dans des domaines à priori moins sensibles ou plus intimes on perçoit cette ombre, cette irruption d’un autre monde, dans son univers quotidien. Pour l’adepte tout est symbole, signe, présage. Rien n’est indifférent ou dénué de sens. Ainsi en 1962, François Mitterrand jumela sa ville de Château-Chinon avec la cité italienne de Cortona en Toscane. Le monde est vaste, mais c’est la petite cité toscane qui fut choisie. Pourquoi ? A cause de l’histoire peut-être, car Cortona fut, il y a bien longtemps, l’une des plus importantes villes étrusques. La beauté et la sérénité de la campagne toscane touchèrent peut-être l’élu nivernais. A moins que ce ne fut d’autres beautés. Après tout qu’importe, et le choix n’est pas si mauvais nie direz-vous. Excellent même. Car il est peu de villes qui peuvent s’enorgueillir d’abriter une tombe mégalithique que la tradition désigne comme le tombeau de Pythagore.
Nous voilà devant une des premières apparitions d’un hasard miraculeux qui va se manifester au fil de nos pages avec une régularité d’horloge suisse. Car la petite ville toscane nous réserve d’autres surprises. En effet au XIIIe siècle fut fondée à Cortone une société de curieux et d’érudits, attirés par l’archéologie, ou plutôt par les antiquités. Cette association, qui vit toujours sous le nom d’Académie étrusque, s’appelait à l’origine, en 1726, la Société des Occultes.
Le premier guide de la Société des Occultes fut Filippo Buonarotti, archéologue, érudit, antiquaire et autorité respectée de l’athénée florentin ; mais aussi descendant d’un frère de l’illustre Michel-Ange et parent d’un autre Philippe Buonarotti, franc-maçon, membre de la conspiration des Égaux, fondateur d’une myriade de sociétés secrètes et grand comploteur devant l’Éternel, pardon le grand architecte. Il fut ainsi le premier lucumon, nom du magistrat suprême chez les Étrusques et qui fut donné à titre honorifique ( ?) par les académiciens au coordinateur général durant l’année de sa charge. Par la suite, suivant des règles qui établissaient une rigoureuse organisation hiérarchique incompréhensible dans un cénacle d’érudits, les lucumons furent élus parmi les personnages les plus en vue du monde culturel ou politique de toute l’Europe. Ainsi les Frères Voltaire et Montesquieu furent de ce nombre. Il est vrai que les prétentions de la très curieuse Société des Occultes dépassaient allègrement le cadre mondain habituel des amateurs d’antiquités.
Il s’agissait pour ces promoteurs, en donnant une dimension européenne à leur projet, de reprendre à leur compte l’ambitieux projet de Cosme II de Médicis, quatrième grand-duc de Toscane. Rien de plus, en l’occurrence, que de mettre en évidence la singularité de la culture toscane par rapport aux autres cultures italiques et de magnifier sa grandeur en démontrant son extrême antiquité et son rôle de berceau de la civilisation. Vaste programme qui ne pouvait que plaire à notre futur bâtisseur de pyramides. On pourrait certes sourire à ce qui ressemble à du chauvinisme mal placé ou à une marotte d’érudits de province. Mais il n’en est malheureusement rien. Nous sommes en présence d’une entreprise idéologique de dimensions européennes, qui sous couvert de recherches scientifiques, se proposait d’étayer une vision du monde conforme aux intérêts des cénacles occultes qui l’animaient en sous-main. C’était, avec deux siècles d’avance, l’anticipation de l’Ahnenerbe nazie.
Le Prieuré de Sion et l’ombre du Roi du Monde
Mêmes les tournées électorales du candidat à la présidence de la République s’éclairent d’inquiétantes lueurs. Au début du mois de mars 1981 François Mitterrand se rendit dans l’Aude, plus exactement dans le Razès, superbe région sauvage et déserte au sud de Carcassonne. Pour une fois on ne pouvait le soupçonner de se livrer à l’activité traditionnelle du candidat en campagne : la pêche aux voix, car le but de sa visite était le minuscule village de Rennes-le-Château perché sur sa montagne et généreusement crédité par l’I.G.N. d’une centaine d’habitants. Ce que n’importe quel journaliste politique parisien horrifié par un tel spectacle de désolation baptise péremptoirement de trou perdu.
Ce qui n’empêcha pas François Mitterrand, qui n’avait succombé ni à l’ivresse des cimes ni à la blanquette de Limoux, d’affirmer sa fascination éprouvée devant Rennes. Certes le site est magnifique et le politicien en quête d’électeurs mais, malgré tout, cela ne justifie guère la fascination. Roger-Patrice Pelat qui, lors des déplacements de son ami intime François Mitterrand se trouvait souvent dans son entourage, au second plan, nous aurait peut-être éclairé si une mort aussi soudaine qu’opportune ne l’avait arraché à l’affection des siens et du juge Thierry Jean-Pierre. C’est donc M. Plantard de Saint-Clair, prétentieux prétendu prétendant au trône de France et ci-devant grand maître du Prieuré de Sion, qui va nous renseigner. Roger-Patrice Pelat ne se contentait pas d’être milliardaire et convaincu de délit d’initiés, il était aussi initié car jusqu’au 6 février 1989 il fut grand maître du Prieuré de Sion. Ce qui n’évoquera sans doute rien pour le lecteur peu versé dans l’ésotérisme qui serait tenté de voir là une de ces confréries folkloriques se réunissant en tenues chamarrées autour de quelques bonnes barriques.
Mais il se trouve que cette organisation secrète qui se donne un mal fou pour être connue et déploie des trésors d’ingéniosité pour passer aux yeux des gens graves et sérieux pour un repaire de bouffons amateurs de canulars n’est que le cercle extérieur — et visible, très visible — d’une société vraiment secrète. Et son dessein, tout aussi secret, ne transparaît que par ce qu’elle veut bien en laisser filtrer pour informer — un peu —, intoxiquer et manipuler — beaucoup. Ainsi en est-il de l’étonnante nouvelle qui suit.
« François Mitterrand a-t-il été poussé au pouvoir, d’abord au Parti Socialiste, ensuite à l’Élysée, par une société secrète dont Roger-Patrice Pelat était le grand maître ? On savait que ledit Pelat, financier véreux, était l’ami intime du président de la république et le généreux prêteur de feu Bérégovoy, mais on ignorait qu’il était aussi le haut dignitaire du très secret Prieuré de Sion. » C’est Minute (13 octobre) qui nous le révèle, à vrai dire sans trop y croire. Notre confrère parle longuement de ce mystérieux Prieuré dont le premier grand maître aurait été Godefroy de Bouillon, lui-même, et que le frère ( ?) Pierre Plantard de Saint-Clair a réveillé en 1956. « Peut-être en saurons-nous bientôt davantage : un document du Prieuré de Sion datant du décès de Roger-Patrice Pelat a été glissé dans le dossier constitué par le juge Thierry Jean-Pierre, chargé d’instruire, comme on sait, l’affaire Péchiney. C’est un certain Roger Dagobert, architecte en retraite, qui l’aurait fait tenir au magistrat. M. Dagobert est le descendant direct du général Luc- Simon-Auguste Dagobert-Fontenille (1736-1794) qui se distingua dans l’armée révolutionnaire et mourut d’épuisement après avoir conquis la vallée d’Aran et Urgel. »
Tout au long des pages qui vont suivre, nous allons retrouver, en filigrane, cette mystérieuse société secrète et le mystère de Rennes-le-Château. Car l’aspect — volontairement — bouffon par bien des côtés de tout cela camoufle, fort habilement, des projets inouïs, qui dévoilés aujourd’hui alors que la préparation psychique et psychologique — des masses est loin d’être terminée sembleraient totalement insensés. Sans trop déflorer le sujet, nous pouvons déjà dire que, par une curieuse ironie du destin, celui qui fut monarchiste en sa jeunesse et se plut dans sa vieillesse à poser en pharaon pour la postérité a travaillé, comme président de la République, à l’avènement — peut-être pas si lointain — d’un grand monarque dont les initiés, depuis des siècles, attendent la venue pour — enfin renouer avec l’âge d’or des premiers matins du monde ...
Après le François Mitterrand supérieur inconnu d’une franc-maçonnerie dont il méprise — presque ouvertement — les initiés des premiers grades, le hiératique hiérophante des mystères pythagoriciens, voilà maintenant l’impavide créature d’un Prieuré de Sion partisan — pour la galerie — d’une restauration monarchique au profit d’une fantomatique descendance mérovingienne.
De quoi, avouons-le, donner le vertige et le tournis aux lecteurs. Le mieux étant l’ennemi du bien, on pourrait nous soupçonner d’être un paranoïaque délirant au complot maçonnique. A la simple vue du tablier de cuir d’un sapeur barbu de la Légion Étrangère, imaginant un Mitterrand V. R. P. multicarte des forces occultes passant ses septennats à courir d’une cabane de charbonnier au fond des bois à des conciliabules secrets dans les catacombes de Paris. Il n’en est rien. Malheureusement. Derrière l’homme il y a une ombre. Épaisse. Presque impénétrable. C’est là qu’il se tient caché depuis plus de cinquante années. Et avec lui dans la nuée sont tapies des sociétés secrètes, des cénacles occultes qui sont autant de voiles dissimulant la face du mystère. Et pendant quatorze années, suivant un plan mûrement préparé et méthodiquement exécuté, il a, aux yeux du monde et dans l’aveuglement général, peu à peu dévoilé la face cachée du mystère... »
Dominique Setzepfandt, "François Mitterrand grand architecte de l’univers".