En France, les
cinq millions de
chômeurs ne sortiront pas de l'ornière sans se débarrasser d'une
classe politique qui est à vomir. Il est temps de s'inspirer de la
révolution pacifique islandaise pour en finir avec les bouffonneries de
l'UMP, la trahison
des socialistes, l'arrogance de l'oligarchie, la dictature de la
finance internationale...
Dans ma circonscription, durant les
législatives de 2012, j'étais le seul candidat à la députation à
préconiser la démocratie directe. Aujourd'hui, j'ajoute que la Ve
République doit être renouvelée par une e-République.
Le droit à une e-démocratie
« L'application du principe
démocratique, écrit Marie-Charlotte Roques-Bonnet, est déterminée
par les trois premiers articles de notre Constitution : l'article 1er
pose que « la France est une république indivisible, laïque,
démocratique et sociale ». L'article 2 alinéa 5 pose le principe
du « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».
Enfin, l'article 3 énonce la délicate interaction entre
souverainetés nationale et populaire : « La souveraineté nationale
appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants et par la
voie du référendum. » Pourtant, jusqu'à l'émergence du réseau,
le compromis entre l'école représentative des « élites
responsables » et l'école « participationniste » était fort
théorique. Peut-être faut-il expliquer cette frilosité par les
déconvenues occasionnées par le recours aux machines à voter et
les expérimentations de vote électronique. Média interactif, média
de l'abondance, espace d'expression directe libéré de toute censure
et de toute ascendance gouvernementale, l'Internet devient le support
d'une liberté d'expression et d'action qui caractérise la
composante directe de nos démocraties. Il a incarné un premier
enjeu démocratique, en devenant l'instrument du suffrage via
l'e-vote. Le deuxième enjeu à relever dans la société numérique
sera de définir ce qu'est l'e-démocratie, sa dimension politique et
ses limites constitutionnelles. [...]
Un débat fondamental : la Ve
République à l'épreuve de l'Internet
De la société hors ligne à la
société en ligne, ce ne sont pas seulement nos pratiques et actions
quotidiennes qui ont changé. C'est aussi notre République. Il
convient donc de définir ce qu'est l'e-République. Ce qui devrait
permettre de mieux comprendre comment la hiérarchie des normes a été
bousculée par l'Interner. Parce qu'elle encadre des institutions,
des droits et des normes redéfinis sur le modèle du réseau, la
Constitution française basculerait du modèle de la pyramide à
celui du réseau, c'est-à-dire du paradigme de la «
supraconstitutionnalité » à celui de l'« identité
constitutionnelle de la France », dont la Constitution reste le
cœur.
De l'existence d'une e-République
Dans la première partie du XXe siècle,
le modèle de l'État de droit présupposait un système juridique «
autarcique ». Il était caractérisé par une production des normes
autonome : la garantie des droits du citoyen français restait
indépendante des autres systèmes de droit. Et la séparation des
pouvoirs se construisait efficacement au sein de la seule République.
Aujourd'hui, toute interaction avec des systèmes de droit
subsidiaires et supranationaux est à l'origine d'un processus
normatif en deux étapes : la création de normes subsidiaires à
l'échelle communautaire (directives) et/ou internationale
(conventions) et leur réception dans l'ordre normatif français
(article 88-1 et article 53 de la Constitution). De manière inédite,
à partir de 1992, simultanément à l'émergence de l'Internet, le
pouvoir constituant devait admettre le basculement de l'« autarcie
normative » à l'interactivité normative. C'est-à-dire le
basculement vers un droit construit en réseau, produit pour partie
au sein de l'État et, pour partie, au sein de l'Union en application
du principe de subsidiarité.
L'e-République n'est pas un concept
remettant en cause l'État de droit, mais le redéfinissant en partie
par la subsidiarité normative. Face au réseau, « d'un point de vue
de logique comme de pratique juridique, l'affirmation d'une
hiérarchie dans un des ordres juridiques seulement ne semble plus
véritablement défendable ». En marge du « fantasme de
l'interconnexion généralisée de tous les terminaux, et l'avènement
d'une culture transnationale, déracinée, mondiale » , il s'agit à
présent d'observer les mouvements réels du droit. Et d'admettre que
la pyramide des normes définie par H. Kelsen un siècle plus tôt ne
reflète plus les modes de production du droit. Saisi « dans ses
trois dimensions (institutionnelle, normative et substantielle), le
droit constitutionnel tend à devenir un droit commun à tous les
systèmes qui se veulent démocratiques ». Le réseau électronique
universel stigmatise une transformation préexistante au réseau, et
identifiée par L. Scheer comme la Constitution d'une société qui «
connecte ou commute ».
S'il revient « à la technologie de
s'adapter aux exigences fondamentales du droit » , il revient aussi
au constituant d'adapter le Pacte à la société. Sans soutenir la
thèse proposée par le professeur Macintosh ni la mise en place du
site « http://www.etats.net »
nous admettrons, à l'unisson avec M.-A. Frison-Roche, que, pour
partie, « le droit doit se mettre à l'image de son objet : puisque
son objet est ici un réseau mondial, les États doivent se
structurer en reflet » . Tout comme il s'agit d'admettre, en écho
aux propos de L. Favoreu et G. Vedel, « un droit constitutionnel
transnational » dépassant l'« impérialisme "constitutionnaliste"
». Parce qu'il est transnational, parce que l'« Internet tue la
hiérarchie », parce qu'il met le droit constitutionnel « à
l'épreuve de la pratique », le droit du développement numérique
impose une réflexion de fond sur la définition de la Constitution.
Certes, « le progrès, toujours
technique, dans nos sociétés industrielles, ne s'est jamais réalisé
sans atteintes inédites à l'ordre public ». Certes, à son époque,
Victor Hugo avait dit de l'apparition de l'imprimerie qu'il
s'agissait de « la révolution mère » de « la pensée humaine »
. Dans une même logique de mise à disposition de la pensée
humaine, en un clic, l'Internet est lui aussi devenu une
révolution. À la différence que ce dernier est plus qu'un média :
il est un facteur de démocratie. Il apporte plus qu'une nouvelle
forme pour nos idées ; il les rend interactives. Il ne
révolutionne pas seulement la communication de ces idées ; il
redéfinit leur conception en réseau. Et le développement numérique
a ceci de différent qu'en modifiant le visage de notre démocratie,
il modifie aussi celui de notre République. L'e-démocratie
impose une réflexion que n'imposaient certes pas le téléphone, la
radio ou bien la télévision sous la IIIe République. À ce titre,
le constituant ne pourrait, à long terme, rester indifférent à la
révolution numérique sans apparaître, finalement, indifférent à
la démocratie.
Mais, pas plus que la Cohabitation, par
exemple, il n'impose de changer de Pacte social. La percée des «
acteurs participatifs » et des citoyens, portée par l'environnement
numérique, crée une normativité « dialoguée », désintermédiée,
« communautarisée ». Par conséquent, « la société de
l'information apparaît comme inséparable de la démocratie dont tes
valeurs forment, avec les siennes, un socle commun et qu'elle peut
contribuer à consolider, en renforçant le lien social ». Ce lien
social étant redéfini à l'échelle universelle, il en résulte
que, pour protéger le citoyen dans l'univers numérique, la
Constitution doit encadrer les enjeux nouveaux de la subsidiarité
normative. Stigmatisée par le titre XV de la Constitution, cette
quatrième et dernière mission constituante replacerait enfin
l'individu au centre du processus normatif et au centre de la
démocratie, que le citoyen inscrive son action dans l'État,
dans l'Union européenne, ou sur le réseau universel. L'organisation
des systèmes de droit subsidiaire rappelle dès à présent que «
l'individu placé au centre de la société acceptera d'autant mieux
la norme qu'elle aura été prise par le niveau décisionnel qui lui
est le plus proche » ou au niveau qui semble, techniquement, le plus
compétent. Pour autant, la démocratie électronique n'impose pas
une VIe République. Certes, le réseau électronique est un «
média polymorphe, l'instrument moderne capable de révolutionner le
rapport gouvernés-gouvernants » . Mais il exige simplement le
basculement d'une représentation pyramidale de la Constitution à
une représentation en réseau. »
Marie-Charlotte
Roques-Bonnet, Le droit
peut-il ignorer la révolution numérique.