Sunday, September 14, 2014

La franc-maçonnerie, de Poncins, Guénon et Evola

Léon de Poncins, l'ennemi des sociétés secrètes mondialistes, était-il disciple de René Guénon et de Julius Evola ?


« Descendant d'une famille de parlementaires anoblis en 1696 le vicomte (de Montaigne) de Poncins (1897-1976) était un fervent catholique qui connut un certain succès dans les années 1930 (plusieurs de ses ouvrages furent traduits notamment en anglais, en italien et en espagnol). Léon de Poncins explique la plupart des grands bouleversements politiques et révolutionnaires de la modernité par l'action de courants issus de certaines sociétés secrètes porteuses d'une "foi" opposée à celle du Christianisme : il vise notamment des mouvements révolutionnaires, juifs, sionistes ou autres, ainsi qu'une "guerre secrète" dirigée par une "foi" de nature diabolique. »

Wikipédia



« Les Éditions Pardes ont publié en 1987, écrit Jean Vaquié, sous le titre Ecrits sur la Franc-Maçonnerie, un recueil contenant huit articles de Julius Evola. Ces huit articles sont de parution ancienne puisqu'ils s'échelonnent entre 1937 et 1942. Selon la présentation qui en est faite au dos de la couverture, ils «ne relèvent ni de l'apologie, ni du dénigrement systématique... ils se veulent une contribution à l'étude d'un domaine initiatique».

Le recueil ainsi constitué contient plusieurs appendices dont l'un s'intitule « Léon de Poncins, un Contre-Révolutionnaire Intégral ». C'est ce travail qui va retenir notre attention. Cet exposé, d'ailleurs très dense et renseigné avec soin, se termine ainsi :

« Au terme de cette trop brève étude sur Léon de Poncins, nous avons le sentiment que les éléments réunis ici sont suffisants pour déplaire, sinon à tous, du moins à beaucoup. Les intégristes n'apprécieront pas que nous ayons exhumé des textes d'un de leurs auteurs de prédilection (officiellement, en tous cas) où il est très favorablement question de Guénon. Ces textes, nous ne les avons pourtant pas inventés, et il suffit d'aller les consulter là où c'est possible, dans les bibliothèques.

« Seul Tempête sur le Monde (l'un des tous premiers livres de L. de P.) a été utilisé ici, mais le lecteur intéressé pourra facilement trouver d'autres livres de Léon de Poncins où abondent les références à Guénon. Dérangeant pour certains, un rappel de ce type montre en fait que, derrière l'inévitable étroitesse ou insuffisance des travaux d'un archiviste ou d'un documentaliste de la subversion il y avait un homme possédant une solide formation doctrinale, capable de prendre du recul par rapport à l'événement et de
regarder loin ».

Cet homme « possédant une solide formation doctrinale et capable de regarder loin », c'est Léon de Poncins. Tout l'ensemble du chapitre nous le présente comme "regardant loin" parce qu'il n'a pas craint de puiser sa doctrine "contre-révolutionnaire intégrale" à la source des écrits de Guénon dont il a su prévoir le grand retentissement. Bref on nous en fait un disciple de Guénon. Mais aussi un disciple d'Evola auquel il eut également recours et qu'il cite longuement.

Il y a là une erreur d'appréciation que nous voudrions corriger. Et si nos amis de Chiré m'ont demandé de rédiger une note rectificative, c'est parce que j'ai moi-même fréquenté Léon de Poncins pendant de nombreuses années, travaillant avec lui sur les mêmes sujets. Je connais donc bien son jugement sur R. Guénon et sur J. Evola. Et je dois dire tout de suite qu'il aurait été très désagréablement surpris à la lecture de l'appendice qui termine le recueil que nous venons de désigner. Et il n'aurait pas manqué, j'en suis certain, de rédiger lui-même une "note rectificative", qui aurait peut-être été plus complète mais qui n'aurait pas été substantiellement différente.

Replaçons-nous donc par la pensée dans les conditions où se trouvaient les intellectuels "nationaux" et catholiques pendant la période qui est délimitée approximativement par les dates de parution des articles de J. Evola qui font l'objet du recueil des Editions Pardès, c'est-à-dire de 1937 à 1942. La doctrine de R. Guénon possède, comme toutes les doctrines fortement homogènes et très élaborées, une partie critique et une partie constructive. Ce penseur, comme bien d'autres, s'élève contre une certaine forme de la société avant de proposer un système de remplacement. On avait vu de même, au XIXe siècle, Karl Marx procéder à la critique du capitalisme avant d'édifier le système collectiviste destiné, dans son esprit, à le remplacer.

La Critique que R. Guénon adresse au monde moderne est double. Il lui fait deux procès distincts. Le premier vise le matérialisme de la société contemporaine. Le second a pour objectif une certaine forme de spiritualisme dont elle s'imprègne rapidement. Reprenons séparément ces deux griefs en essayant de définir leurs fondements bphilosophiques dans la doctrine guénonienne.

R. Guénon reproche au monde moderne son matérialisme et sa désacralisation. Et il les explique ainsi. Il écrit que le monde moderne est le siège d'une véritable solidification. D'où provient cette solidification? Si le monde se solidifie c'est parce qu'il est parvenu à la fin d'un cycle cosmique. Au début de chaque cycle l'univers apparaît dans un état à prédominance spirituelle et sacrale. Puis il va en se dégradant, c'est-à-dire en se déspiritualisant et donc en se matérialisant. De sorte qu'à la fin du cycle, quand arrive l'âge final appelé âge sombre l'univers est dans un état de matérialisation irréversible. Tel est précisément le stade qui est atteint par notre monde moderne. Il est voisin de la solidification. C'est la désacralisation matérialiste qui y prédomine, d'où son hyper-technicité, son mercantilisme et son collectivisme massifiant. Tels sont les grands traits de la construction guénonienne en ce qui concerne la critique du monde moderne.

En même temps qu'il s'élève contre le matérialisme, R. Guénon fait le procès d'une certaine forme de spiritualisme. Il a en vue un faux spiritualisme qui se présente sous deux formes : la théosophie et le spiritisme, lesquels font l'objet de deux ouvrages différents : Le Théosophisme, Histoire d'une Pseudo-Religion (1921) et L'Erreur Spirite (1923). Ces deux ouvrages figurant parmi ses tout premiers livres. C'est par eux que le public catholique a commencé à connaître Guénon.

R. Guénon explique que ces deux faux spiritualismes en pleine expansion sont de faux antidotes au matérialisme moderne. Ils ne sont que des caricatures du vrai spiritualisme que lui-même se propose d'exposer longuement dans ses travaux ultérieurs. Le "vrai spiritualisme" de René Guénon s'inspire de ce qu'il appelle la "Grande Tradition Universelle et Primordiale" dont nous verrons plus loin quelle est la véritable valeur. On comprend très bien de la part de Guénon, cette critique préalable. Elle était destinée à faire place nette. Il était nécessaire en effet qu'avant de répandre son propre système spiritualiste, Guénon règle leurs comptes aux deux faux spiritualismes qui constituaient ses deux principaux concurrents à savoir la théosophie et le spiritisme. Et il faut reconnaître que son éreintement fut magistral. Il les a fait taire pour de nombreuses années. Devant cette critique du monde moderne dans son matérialisme et dans les
faux spiritualismes, les nationaux, et parmi eux les catholiques, furent très admiratifs. Pouvait-on souhaiter un auxiliaire plus avantageux que l'auteur de ces deux livres magistraux ? Voilà un homme qui s'attaque simultanément à la dégénérescence matérialiste et à l'invasion de l'occultisme hindouisant lesquelles constituent précisément leurs deux adversaires les plus redoutables. Et cette attaque, il la fonde sur "la Tradition", ce qui n'était pas non plus pour leur déplaire, si du moins ils n'étaient pas trop regardants quant à la définition de cette tradition. Le mot de "tradition" en effet exerçait déjà, sur les nationaux et les catholiques, son effet de prestige et d'autorité. Effet psychologique vague mais puissant qui reste encore actuel et que nous connaissons bien.

Il faut reconnaître que, si les écrivains catholiques et leurs conseillers théologiques de l'époque avaient étudié avec plus de soin les fondements de la fameuse "tradition universelle" au nom de laquelle Guénon prononçait son réquisitoire contre le matérialisme et contre les pseudo-spiritualismes", ils auraient constaté que cette prétendue tradition n'était pas autre chose que le védantisme, lequel diffère essentiellement de la Tradition apostolique dont l'Eglise est "gardienne et maîtresse" (custos et magistra) et qu'eux-mêmes étaient censés défendre.

On voit que les positions relatives des doctrines en présence étaient assez mal définies. Cette imprécision générale était due au fait que Guénon, finalement, avançait masqué. Il avait ouvertement fait la critique du monde moderne, mais on ne connaissait la partie positive de ses doctrines que par des ouvrages assez énigmatiques et d'accès difficile qui étaient lus seulement par ceux que l'on appelait alors les occultistes et qui allaient devenir, après la guerre de 39-45, les "ésotérites".

Quoiqu'il en soit de ces incertitudes, ce qui est sûr c'est que L. de Poncins n'a utilisé que la partie critique de l'œuvre guénonienne. Il est facile de constater qu'il ne lui a emprunté que ses griefs contre le monde moderne. Griefs que Guénon avait en commun avec les nationaux et les catholiques, et qu'il exprimait seulement d'une manière un peu différente. Jamais Poncins n'a rien puisé dans la construction hindouiste ou islamique de Guénon, dans ses développements ésotériques et gnostiques bien qu'ils constituent la part la plus importante et la plus essentielle de son œuvre. On peut affirmer que L. de Poncins a ignoré le guénonisme.

Il est un point de doctrine tout à fait capital qui permet de constater la pleine liberté et l'indépendance d'esprit que L. de Poncins a conservé à l'égard de Guénon. C'est le jugement porté, par l'un et par l'autre des deux hommes, sur la maçonnerie spiritualiste. Comment cette question se pose-t-elle ? Voyons d'abord le point de vue de Guénon et ses fondements philosophiques ou plutôt historiques.

La thèse de Guénon était celle-ci. Il acceptait la distinction que les maçons établissent eux-mêmes entre, d'une part les loges rationalistes et athées et d'autre part les loges spiritualistes. C'est une distinction tout à fait classique dans la maçonnerie. Mais Guénon considère que la filière initiatique est irréprochable dans l'une et l'autre maçonneries. Dans les deux cas l'initiation, qui est conférée, présente les indispensables caractères d'archaïsme. Dans les deux branches, l'origine de l'initiation se perd dans la nuit des temps, donc elle est de fondation "non-humaine". Par conséquent, pour Guénon, dès lors que la loge est "régulière" et que les rites sont rigoureusement respectés, l'initiation maçonnique est authentique et il n'y a pas lieu de distinguer entre maçonnerie rationaliste et maçonnerie spiritualiste.

D'après Guénon, ce qui est répréhensible, dans les loges rationalistes et athées, ce n'est pas l'initiation, c'est l'enseignement doctrinal. On y impose une orientation de type encyclopédique, révolutionnaire, scientiste et matérialiste. C'est cela qui est mauvais, très mauvais même car les loges rationalistes, qui ne reconnaissent pas de Dieu, en arrivent à accélérer la "solidification" du monde. Mais la régularité de l'initiation est inattaquable nonobstant les doctrines erronées qui l'accompagnent.

Les loges spiritualistes, au contraire, toujours d'après Guénon, sont irréprochables autant pour leurs doctrines, qui sont de nature religieuse, que pour leur initiation qui est d'origine immémoriale et donc non-humaine. On comprend dès lors que R. Guénon se soit toujours trouvé en accord fondamental avec la maçonnerie spiritualiste. Il en a fait partie et il y a toujours conservé des amis, des défenseurs et même des disciples nombreux.

Ainsi peut-on résumer la doctrine de Guénon concernant la maçonnerie. Mais il est bien évident qu'il s'agit là d'un schéma. La distinction des deux courants philosophiques n'est contestée par personne, dans son principe, mais dans la pratique elle ne se présente pas toujours d'une manière tranchée. Car, du fait de sa tolérance, la maçonnerie abrite des tendances très diverses et très nuancées.

Voyons maintenant le point de vue de Poncins. De même qu'il avait appelé nGuénon à l'aide contre le monde moderne, il aurait pu le citer aussi dans ses développements contre la maçonnerie rationaliste qu'il combattait comme lui. Mais il s'en est bien gardé. Poncins engloba toujours dans la même réprobation les loges athées et les loges théistes dans lesquelles il ne percevait qu'une habile répartition de la clientèle. De fait, contrairement à Guénon, Poncins a toujours été détesté dans l'un et l'autre courants maçonniques. Il a été combattu par la maçonnerie toutes tendances confondues. Et cela essentiellement parce qu'il n'y a jamais été considéré comme un disciple de Guénon si peu que ce soit.

Mais alors pourquoi L. de Poncins, qui vouait aux deux courants maçonniques une détestation égale, n'a-t-il pas combattu la religion gnostique élaborée par les loges spiritualistes avec la même ardeur qu'il mettait à critiquer les doctrines révolutionnaires des loges athées? Pourquoi s'en est-il tenu à dévoiler les menées anti-nationales de la maçonnerie rationaliste et socialiste ? Il y a là une objection que j'ai quelquefois entendu formuler et à laquelle il faut répondre.

Notre "ami était parfaitement conscient de la nécessité du combat dans l'ordre religieux. Il savait très bien que si l'ordre temporel était attaqué, l'ordre spirituel l'était aussi. Et s'il ne s'est pas lancé lui-même expressément dans la défense de l'Église c'est pour deux raisons.

La première vient de ce qu'il avait reçu, de la part de plusieurs ecclésiastiques, le conseil pressant de se tenir à l'écart des discussions religieuses pour lesquelles, lui disait-on, il n'avait ni compétence ni autorité. Il s'abstint donc, réservant son activité aux limites du temporel. A eux seuls les titres de ses livres témoignent de la sectorisation qu'il s'imposa. Citons par exemple La Franc-Maçonnerie contre la France. Il n'a rien écrit sur la maçonnerie contre l'Eglise. L'un de ses premiers livres avait été La S.D.N., Super-Etat Maçonnique. Et jamais il n'a traité le sujet de la maçonnerie comme Super-Eglise. Il laissait au clergé, qui paraissait encore à cette époque bien charpenté et bien décidé, le soin de défendre la cause religieuse. La répartition des tâches semblait logique.

La seconde raison pour laquelle L. de Poncins s'abstint longtemps d'attaquer la maçonnerie sur le terrain spiritualiste et religieux c'est l'existence, à Paris, d'un organe spécialisé : la R.I.S.S (Revue Internationale des Sociétés Secrètes) de Monseigneur Jouin. Poncins entretenait avec lui d'excellents rapports. Mais il était parfaitement conscient qu'une revue, consacrée à la publication de documents maçonniques et occultistes s'exposait en permanence à se laisser circonvenir par des agents de toutes sortes. Je lui ai souvent entendu exprimer quelques réserves de détail. Dans l'ensemble cependant il était très élogieux non seulement pour Mgr Jouin lui-même mais aussi pour la majorité de ses collaborateurs.

Ces deux raisons font qu'il n'éprouva nul besoin de se lancer en personne dans la défense de la vraie Religion, ni contre les attaques directes des rationalistes, ni contre les attaques indirectes des spiritualistes néo-gnostiques. Il fallut la crise conciliaire pour que L. de Poncins abandonne la discipline qu'il s'était imposée. A partir de ce moment, les pressions judéo-maçonniques pour faire dévier l'Eglise devinrent si fortes et la défense de l'orthodoxie par des religieux spécialisés ou non, se révéla si déficiente et même si inexistante qu'il se sentit obligé d'entrer personnellement dans l'arène.

Deux ouvrages témoignent de cet élargissement de son action au domaine religieux de la maçonnerie spiritualiste. Pendant le Concile, il publia et distribua Le Problème des Juifs au Concile. Puis en 1970, aux éditions de l'Ordre Français, il fit paraître un ouvrage très clair et très solide : Christianisme et Franc-Maçonnerie (1970), dont il existe une réédition à la D.P.F. de Chiré en 1975. Livre dans lequel nous recommandons le chapitre VII qui a pour titre « La théologie occulte et l'influence gnostique ». Tout cela aurait-il pu être écrit par un disciple de Guénon ? On voit qu'il aurait été aussi compétent en matière spirituelle qu'il l'avait été en matière temporelle si les deux circonstances que nous venons de relater ne l'avaient arrêté.

Pour nous résumer sur les rapports de Poncins avec Guénon, nous pouvons dire ceci. Avant la guerre de 39-45, pendant les années de lutte de toute la Droite contre les "menées anti-nationales" comme l'on disait alors, L. de Poncins avait fait appel à quelques citations de R. Guénon pour renforcer, par un témoignage extérieur, son argumentation contre le monde moderne. Mais quant à se nourrir de la doctrine guénonienne, il en était très loin. Bien sûr, il lisait ces livres-là quand il en apercevait de nouveaux dans les devantures des librairies, mais il ne les recherchait certes pas. Il les trouvait d'ailleurs parfaitement indigestes et il avait du mal à les finir. Son aversion pour l'auteur allait en grandissant.

Il finit par exploser littéralement à la lecture du Règne de la Quantité et les Signes des Temps. C'était en 1945. Il m'avait demandé de lui prêter mon exemplaire et nous avions convenu que je passerai le reprendre à l'hôtel de la rue Jacob (non loin de la rue des Saints-Pères) où il descendait presque toujours quand il venait à Paris. Il me le rendit avec des commentaires tout ce qu'il y a de plus désapprobateurs. Et il me confia même qu'il était furieux contre Guénon qui finalement, l'avait trompé.

Depuis la lecture de Règne de la Quantité L. de Poncins n'eut plus le moindre doute sur l'affiliation initiatique de R. Guénon puisque son discours différait si peu de celui des maçons spiritualistes.

Demandons-nous maintenant quel type de relations L. de Poncins a bien pu entretenir avec Julius Evola et avec son oeuvre. Ces relations ont suivi le même schéma qu'avec Guénon, malgré une petite différence d'ordre personnel que nous noterons au passage. Pour comprendre les rapports des deux hommes, il faut savoir qu'il existait deux Evola dans le même personnage. Il y avait un Evola exotérique, c'est-à-dire politique et un Evola ésotérique, plein de sousentendus d'ordre religieux.
L'Evola exotérique est l'ami de l'ordre. C'est le contre-révolutionnaire. C'est l'homme politique. Et c'est à lui que L. de Poncins demandait, pour sa revue (Contre-Révolution, Revue Internationale d'Etudes Sociales, Paris.), des articles comme par exemple celui de décembre 1938 : « Technique de la Subversion » ou « Les instruments de la Guerre Occulte », dans lequel il nous décrit l'action de ce qu'il appelle « les forces secrètes de l'anti-tradition », forces secrètes qui ne sont pas autre chose que les loges rationalistes, athées et révolutionnaires. On retrouve la même position que chez Guénon (note de Bouddhanar : selon Guénon, les forces secrètes qui œuvrent à l'avènement de la contre-tradition sont d'une nature beaucoup plus redoutable que de simples idées révolutionnaires, rationalistes, athées...). Même position aussi en ce qui concerne les "faux spiritualismes" que J. Evola décrit dans son livre Masques et Visages du Spiritualisme Contemporain (Editions de l'Homme). Avec cet Evola exotérique, Poncins, incontestablement se plaisait, alors que le personnage de Guénon ne l'a jamais séduit. Et il est tout à fait exact qu'il admirait beaucoup la force de caractère et le stoïcisme d'Evola et qu'il aimait à lui rendre visite à Rome dans la vieille maison paternelle où il était né et où il devait mourir.


Mais il y avait aussi un autre Evola, celui qui cultivait l'ésotérisme graalien, gibelin et aussi bouddhiste, celui qui est devenu l'un des grands doctrinaires de la nouvelle gnose, avec des ouvrages comme Chevaucher le Tigre (à la Colombe), La Métaphysique du sexe (chez Payot), Le Mythe du Graal et l'Idée Impériale Gibeline (Éditions Traditionnel-les), La Tradition Hermétique (également aux Éditions Traditionnelles), Le Yoga Tantrique (chez Fayard), La Doctrine de l'Éveil (chez Arché-Milano).

Cet Evola ésotérique, je puis dire que Poncins a voulu l'ignorer et, à cause de son amitié pour l'homme, il souffrait mal qu'on lui en parle, ce qui prouve qu'il situait très exactement l'œuvre. Il était totalement imperméable à ce genre de raisonnement. C'est une pensée qui lui était tout à fait étrangère. Il ne lui a jamais rien emprunté. Il n'a pas subi son influence. Mais en mesurait-il la nocivité ? Je le crois, car il se fermait dès que l'on commençait à lui parler de l'ésotérisme d'Evola. Finalement, il avait été trompé par lui comme par Guénon, mais il avait mis beaucoup plus longtemps à en prendre conscience.

Nous terminerons cette "note rectificative" par la conclusion suivante. On serait totalement dans l'erreur si l'on prétendait situer Léon de Poncins dans la mouvance de R. Guénon et de J. Evola. Maintenons, car telle est la vérité, qu'il appartient pleinement à l'École du légitimisme classique. »

Jean VAQUIÉ