Sunday, September 14, 2014

L’appel de Bruxelles

Le luciférien Jean-Paul Bourre appartient à la mouvance européenne identitaire et néo-païenne de l'extrême droite. « Dès 1965, écrit-il, j’ai fait la connaissance psychédélique du diable, en quelque cinq cents microgrammes d’acide. L’expérience des hallucinogènes - comme le L.S.D. - avait ouvert une brèche dans les vieilles habitudes. On croyait que tout était possible, que l’univers était un bouillonnement de forces, d’énergies, que rien n’existait, en dehors de cette danse incroyable, et que les dieux et les démons nous offraient d’autres voyages, plus haut, plus loin. »


Création de l'internationale luciférienne

« Les temps sont venus de faire une UNION SOLIDE de toutes nos sociétés, il est grand temps que les fils et les filles de l’Hyperborée dressent la flamme des temps nouveaux et du surhomme divin, héritier du Graal et de la couronne boréale. De Samballah, la cité sainte de l’Agartha, arrive ce message Polaire : UNISSEZ-VOUS !… »

Cet appel, explique Jean-Paul Bourre, lancé de Bruxelles en 1975 par l’Ordre vert en vue de préparer l’avènement d’une Internationale Luciférienne, eut des répercussions qui dépassèrent de loin le monde de l’Occulte.

Si nous tracions la ligne souterraine partie de Bruxelles un jour de l’année 1975, nous assisterions à de curieuses rencontres, tant occultes que sociales, liées entre elles par l’ordre impénétrable de Lucifer : unification des loges d’obédience luciférienne, camps d’entraînement de militants néo-nazis quelque part dans les monts d’Auvergne, réunions occultes à Paris, rue d’Assas, où l’on retrouve le mercenaire J.K. en croisade pour l’Occident, et certains amis autour d’une table tournante, puis la mort de Franco et le départ d’un petit groupe de nostalgiques vêtus de noir quittant leur siège parisien, la rencontre dans une banlieue de Madrid du mage Lopez Rega, alors en exil, ancien bras droit de Juan Perron et spécialiste de la magie sexuelle… Tout cela sous la bannière noire de Lucifer, même si pour certains des acteurs de ce drame, cette bannière porte parfois d’autres couleurs... [...]

Pour l'Ordre vert, il est indispensable d’unir toutes les forces polaires et solaires avant l’ère du Verseau, et il faut que l’homme nouveau – le surhomme – se tienne prêt à prendre le destin de l’humanité en main, car lorsque le moment le plus critique de l’Âge noir sera venu, il n’y aura plus qu’un peuple porteur de la flamme : NOUS. Il faut créer un ordre de chevalerie aryen, et former une élite de Supérieurs détenant les secrets que possédaient nos ancêtres de l’Empire polaire.

Pour R.L., grand maître de l’Ordre vert (dit encore R. Lug), la naissance de l’homogalacticus ne peut se faire que par une intense préparation tant sociale que magique. Dès lors, la prise du pouvoir politique, chimérique aux yeux de l’homme de la rue, semble s’annoncer évidemment logique.

Il y a quelques années, poursuit Jean-Paul Bourre, R.L. m’écrivait personnellement afin de me convier à la grande assemblée luciférienne. Je ne répondis pas à sa lettre, car pour moi Lucifer, l’Ange prométhéen, ne pouvait descendre au cœur des petits intérêts personnels où l’initiation véritable n’est plus qu’une couverture littéraire pour transporter les armes, physiques celles-là, d’une autre subversion.

« Nous devons lutter, m’écrivait-il, contre les fils du Dragon noir, communistes, matérialistes, tarés, etc, pour que revienne le temps de notre race et son culte solaire, et si nous portons aussi, cher frère, le nom d’Église de Mithra, en réalité nous vénérons le Grand Lug, car Lug = Mithra = Râ = Lucifer : le même porte-emblème de la flamme sous divers noms à travers les âges, Lug étant celui du Verseau. » Lucifer revenait sous le nom de Lug, divinité du feu chez les anciens Celtes, et l’Ordre vert déclarait la guerre à l’humanité ordinaire, à l’homme de tous les jours appelé, dans les dossiers secrets de l’Ordre, humain type II, et cela au nom d’un Ordre supérieur et racial lorsque la roue solaire flottait sur Nuremberg.

« Historiquement, affirme L. en créant sa légende, j’ai fondé l’Ordre vert la nuit du 6 décembre 1970, avec quelques courageux adhérents. L’Ordre resta dans l’ombre pour des raisons ésotériques internes et ne fut rendu public qu’à partir du mois de septembre 1972. Depuis, de nombreuses adhésions nous arrivent de partout et divers mouvements celtes bretons sont entrés en contact avec l’Ordre vert. Qu’est-ce que l’Ordre vert ? C’est la tradition luciférienne des Celtes (!); c’est aussi le culte du dieu solaire mazdéen Mithra; la nature qui se dresse contre les tares de la pseudo civilisation, et contre les faux dogmes des Églises et des religions d’imitation! » Et de conclure, dans la langue celte : Mar n’ouzez-te te ket me oar ! (« Si tu ne sais pas, moi je sais) [...]

Le 14 mai 1975, les représentants des diverses associations lucifériennes étaient présents à Bruxelles, au temple de l’Ordre vert, afin de sceller la charte d’unification des Légions de Mithra (fer de lance de l’Ordre vert). [...]


Julius Evola, ce philosophe italien qui connaissait très bien la pensée prométhéenne, affirmait qu’au-delà des polémiques raciales qui agitent de nombreux mouvements traditionalistes seule existait pour lui la race mentale des Éveillés. Cette théorie n’est pas du tout celle de l’Ordre vert, dont le racisme ne s’exprime pas à mots couverts. R.L. déclare sans ambiguïté : « La Pureté du sang et des coutumes est l’une des choses à défendre, car le sang biologique peut influencer le comportement d’un individu; il faut bien admettre que les chromosomes d’un Aryen diffèrent de ceux d’un Bantou… » [...]

Les commandos du diable.

Ma tentative de réhabilitation du luciférisme peut s’expliquer par la démystification de certaines organisations satanistes qui n’ont rien à voir avec l’aristocratie mentale du dépassement de soi, avec la véritable ascèse luciférienne.

Comme je l’écrivais dans un magazine ésotérique (l’Autre Monde, le magazine de l’étrange, n° 11) en prenant comme exemple le nazisme, qu’un auteur moderne rattache à Lucifer (André Brissaud : « Les Agents de Lucifer ») :

Lucifer (Lux – Fer), le Porteur de Lumière, est l’incarnation d’une magie du feu, de type prométhéen, qui n’a rien à voir avec la déviation sataniste du nazisme. C’est vouloir confondre l’aigle et le charognard, faire de Prométhée, le Voleur de Feu, un fantoche rêvant les sommets qu’il n’atteindra jamais. Mais il existe dans la déviation magique des erreurs commises par des personnalités tentées par la volonté de puissance personnelle.

Ce fut ce qui arriva à J.B. alors dirigeant du mouvement Les fils du Feu et signataire de la charte de l’Internationale luciférienne. Pour les inspecteurs des Renseignements généraux du Puy-de-Dôme Les Fils du Feu étaient avant tout les maîtres doctrinaires de nombreuses organisations d’extrême-droite. Mais l’initiation ne s’arrêtait pas à la conférence ou à la table ronde sur les origines mythologiques de l’Occident ou sur la manière de vaincre la peur… L’initiation, du moins la pseudo – initiation, avait aussi lieu sur le terrain, tout près du camp d’entraînement militaire de la Fontaine du Berger, à quelque dix kilomètres de Clermont-Ferrand.

C’est dans ce lieu réservé, inaccessible pour le simple touriste ou le promeneur du dimanche, que se réunissaient au cours de l’été 1975 une trentaine de jeunes portant treillis et rangers, la matraque et la lance de bois à la main, afin de subir un entraînement digne des commandos militaires.

Dirigés par d’anciens mercenaires parachutistes, ce groupe d’action se préparait, au delà de la guérilla urbaine, au renouvellement magique annoncé par Les Fils du Feu présents sur le terrain.

Chemise bleue ornée du casque spartiate, J.B. et ses adeptes étaient là pour « réveiller dans chaque militant l’âme antique et prométhéenne de l’Empire polaire »…

Ce discours, identique à celui de l’Ordre vert qui avait aussi ses Légions de Mithra, se traduisait en actes précis au cours de rituels guerriers. Par exemple avant l’entraînement, les lances de bois (qui servirent aux militants d’Ordre nouveau à la Mutualité) étaient marquées des runes magiques du combat à l’aide du sang de chaque militant. Cette innovation luciférienne n’était pas pour déplaire aux nostalgiques du nazisme ivres d’un lyrisme guerrier anachronique. Trois figures runiques revenaient constamment sur les armes d’entraînement : Odin, le combat et le Pouvoir, tracée au sang à l’endroit précis où la main se referme sur le manche de l’arme. [...]

Allées et venues mystérieuses, liaisons constantes entre Bruxelles, Cologne et Paris… les lucifériens préparaient dans l’ombre les accords secrets qu’ils allaient signer à Madrid, avec Lopez Rega, mage et ancien ministre de Juan Peron. [...]

Pour les traditionalistes, lorsque les sociétés économiques se seront effondrées, resteront seulement les valeurs occultes qui se partageront la suprématie du globe… Alors l’homme devra choisir entre la Voie luciférienne et les Voies mystiques.

C’est à travers de nombreux bouleversements, des remises en question violentes, les tentatives magiques les plus folles, que l’aventure occulte, apparemment inextricable, laissera passer au grand jour les pionniers du Nouvel Âge, la race mentale dont parlais Julius Evola, celle qui osera enfin regarder le soleil en face.

Alors le « petit homme », celui qui s’accroche encore à l’égalitarisme, à la chaude promiscuité, aux délires génétiques sécurisant la race qui meurt, à sa minuscule volonté de puissance, ce petit homme ne sera plus qu’un rêve sans importance, une ombre qui passe, privée de la noblesse intérieure qui fera l’homme futur. Dans l’enseignement luciférien, il est dit que « la foudre préservera seulement ce qui lui ressemble ».

Jean-Paul Bourre

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