Sunday, September 14, 2014

Le pouvoir secret contre le peuple

Quelques mois après l'élection de François Hollande, les Français savent que l'idéal socialiste n'est plus porté par les politiciens professionnels de gauche.

Le seul objectif de la classe dominante, de droite et de gauche, est d'accroître son pouvoir. Pour ce faire, les puissants s'acoquinent et complotent contre le peuple dans des sociétés secrètes ou des clubs très fermés comme Le Siècle (voir la vidéo ci-dessus et lire le livre d'Emmanuel Ratier, Au cœur du pouvoir. Enquête sur le club le plus puissant de France, réédité l'année dernière).

André Frossard se souvient du socialisme de son enfance, durant les années 1920 :

« Lorsque l'on eut coupé mes anglaises pour m'apprendre à lire, le premier livre que m'offrirent mes parents après le Roman de Renart fut un ouvrage à couverture rouge, de l'épaisseur d'un dictionnaire et intitulé Petit-Pierre sera socialiste.

Pour autant qu'il m'en souvienne, c'était une variante idéologique du Tour de France de deux enfants, rédigée de manière à rendre familières aux petits, dans le langage approprié, les données principales de la pensée marxiste. Petit-Pierre, cheminant et questionnant, prenait connaissance des réalités sociales, des servitudes de la condition prolétarienne et des injustices d'une société fondée sur l'exploitation des humbles par une classe favorisée, détentrice des moyens de production et d'échange que sont la terre, les outils, les machines ou l'argent, et qui aspirait tout le profit du travail d'autrui. Ce profit lui fournissant de nouveaux moyens d'acquérir, elle s'enrichissait sans cesse tandis que se multipliaient les pauvres, qui s'appauvrissaient encore.

Il en résultait entre la classe des possédants et celle des démunis un état de tension permanente ou de « lutte de classes » aboutissant périodiquement à des révoltes que les lois n'avaient d'autre fin que d'empêcher, d'interdire ou de réprimer. De tout temps les institutions avaient été conçues par les privilégiés pour perpétuer leurs privilèges ; la morale était chargée de lier les consciences à l'ordre établi contre la justice, méprisée par le capitalisme et ajournée par la religion elle-même.

Mais Petit-Pierre apprenait bientôt qu'il existait un remède à ce mal immense et vieux comme l'histoire. La socialisation des moyens de production et d'échange modifierait radicalement les rapports humains en les purifiant de tout ce qu'il y avait en eux d'inique et de pernicieux. Ils ne s'établiraient plus de maître à esclave, d'oppresseur à opprimé, mais d'homme à homme dans l'égalité parfaite d'une désappropriation générale prononcée par la loi au bénéfice de la collectivité. Sur les biens produits par les travailleurs, la communauté prélèverait de quoi donner « à chacun selon son travail », en attendant d'être assez riche pour pouvoir donner « à chacun selon ses besoins ». L'avidité, la volonté d'accaparement et de domination, ne trouvant plus de soutien et encore moins d'encouragement dans la société nouvelle, périraient d'inanition; les antagonismes économiques et sociaux ayant disparu avec ce qui les rendait inévitables, la guerre deviendrait sans objet et disparaîtrait de la surface de la terre. Les anciens possédants réduits en quelque sorte à l'équité s'humaniseraient d'autant, cependant que les travailleurs recouvreraient leur dignité avec la pleine possession de leur propre personne. La morale ne serait plus ce code diversement pénal de la résignation qu'elle était jusqu'alors, et les derniers pans de la construction religieuse, privée de ses points d'appui, s'effondreraient d'eux-mêmes. Les hommes sauraient enfin le goût de la justice et de la paix. La science se chargerait du reste.

Je ne prétends pas résumer le marxisme en une page, et il est probable que je viens de mêler le souvenir de ses premières leçons à celui de mon gros livre rouge. Quoi qu'il en soit, Petit-Pierre devenait socialiste. Comme il était sérieux et gentil, je le devins aussi. »

André Frossard, Dieu existe, je l'ai rencontré.