Auteur de La Maison
autonome (co-éditions Le Souffle d'Or et L'Orée du Bois).
Patrick Baronnet donne des conférences sur le thème « Énergies
alternatives et mode de vie » auprès des scolaires, universitaires,
associations et collectivité. Fondateur de l'association HEOL qui a
pour but l'éducation à l'« éco-citoyenneté ». Créateur du
célèbre Éco Festival de Moisdon la Rivière (44) et d'un «
éco-centre ».
Que pensez-vous de
l'équation : « Politique Ecologique = Plein Emploi » ? Vous
paraît-elle applicable ? Quels sont ses atouts et ses freins ?
Patrick Baronnet :
La réponse au problème de l'emploi n'est pas systématiquement dans
la création d'emplois. Il s'agit fondamentalement de permettre à
tout individu de vivre le mieux possible et le devoir de tout
gouvernement est de créer les conditions nécessaires (et non
suffisantes) pour permettre à chacun de vivre selon son itinéraire
de vie. La confusion historique contemporaine est cet amalgame entre
emploi et moyens de vivre.
Aujourd'hui, avoir les
moyens, c'est avoir de « l'argent », mais il n'en a pas
toujours été ainsi. Dans l'histoire de l'humanité, ce n'est que
très récemment que l'on a commencé à créer des emplois, et
encore plus récemment que l'emploi (ou subside) soit totalement lié
à la survie. Plus grave encore, certaines personnes sont lourdement
endettées bien qu'elles aient un emploi !
On peut imaginer une
personne vivant sans argent, mais puisant son nécessaire vital dans
les ressources naturelles : eau, nourriture, habitat, et son
nécessaire relationnel dans une communauté conviviale. À ce sujet,
notre fils Gwénaël vit heureux dans une yourte (tente démontable,
à armature extensible de bois, d'origine turque ou mongole d'Asie
centrale) avec peu de moyens « financiers » et dans une communauté
rurale d'une grande richesse culturelle.
La grande innovation serait,
pour un gouvernement, de donner la possibilité aux indigents, aux
personnes à vocation rurale, ou qui souhaitent vivre dans la
sobriété heureuse, ou lassées de « perdre leur vie à la gagner
», les moyens autres que financiers, de s'assurer un soutien
matériel, décent sans passer par un « salaire » lié à un
emploi.
Il ne s'agit pas de passer
d'un extrême à l'autre, mais d'amorcer une dynamique qui favorise
ce choix de vie qui, par le simple fait d'exister, peut libérer des
emplois sans les. créer. Pourquoi ?
Parce qu'en divisant par
deux nos besoins financiers, (un seul demi-salaire à six pendant
quinze ans) nous avons libéré de quoi faire vivre une autre
famille. Ajoutons, que cette manière de vivre dans le monde rural à
partir des ressources locales amorce une dynamique d'exode urbain,
qu'il faut envisager de manière urgente pour harmoniser un nouveau
mode de vie qui doit contribuer à pourvoir une majorité de besoins
de première nécessité dans une proximité de quelques kilomètres.
Nous sommes aujourd'hui tellement conditionnés par le mode vie
urbain, que nous avons peine à imaginer cette nouvelle façon de
vivre. En effet, elle n'est surtout pas ce « vivre à la campagne
comme un citadin » qui est la pire des solutions au niveau de
l'empreinte écologique, encore moins une quelconque nostalgie du
passé. Ce nouveau mode de vie, qui reste à inventer, est une
aventure que bon nombre sont prêts à tenter. Il est fondé sur le
volontariat, qui est une solution en profondeur au problème du
chômage, au problème écologique et à celui des transports. C'est
une contribution sociale majeure, car elle est une solution à
l'univers des concentrations urbaines dépendantes, vulnérables, où
la promiscuité et l'absence de nature et de silence engendrent le
profond malaise que l'on connaît.
C'est une proposition
exigeante, mais passionnante, qui pose le problème d'une nouvelle
civilisation postindustrielle fondée sur la vocation profonde de
l'homme, et non sur des principes économiques obsolètes.
Elle relativise la «
croissance économique » pour recadrer l'épanouissement humain dans
une perspective où le bonheur n'est pas indexé aux biens matériels,
mais à des valeurs de l'ordre du cœur, de la solidarité, de la
coopération et du travail sur soi-même pour vivre pour grandir et
non consommer à tout prix.
Entre ce cas de figure et
celui qui concerne pratiquement tout le monde aujourd'hui, du moins
dans les pays dits « développés », il y a une infinité de
déclinaisons.
Il est désormais
fondamental, pour la clarté pédagogique, de différencier, d'une
part, la clarté d'une nouvelle vision sociale et, d'autre part, la
tolérance et l'intelligence pratique des moyens pour y arriver.
Transférer plutôt que
créer des emplois : toute création d'emplois entraîne
indirectement, y compris pour le tertiaire, une augmentation de la
consommation, donc de la croissance, de la production, de la
pollution et de l'épuisement de la planète. Ceci dans l'état
actuel du fonctionnement économique. Il y a des alternatives :
- Substituer sur une base de
volontariat la notion d'autoproduction à la notion de rémunération
financière en aménageant les conditions d'acquisition d'une surface
de terre à définir pour assurer le bâti de maisons. Ou mieux,
d'îlots collectifs en partie auto construite avec des matériaux
sans pétrole, comme nous l'avons réalisée dans la « Maison 3 E »
confortable, bioclimatique avec solaire passif ; ce qui constitue en
soi une éducation fondamentale et une réhabilitation du travail
manuel tout en assurant une partie de sa subsistance alimentaire.
- Modifier progressivement
son alimentation en vue d'une meilleure santé et d'une production
issue d'un jardin (ou de jardins collectifs), productif et
biologique, est une des urgences majeures et impératives qui ouvrent
la voie vers un mode de vie qui préserve l'espèce humaine et le
Vivant.
- Substituer de manière
coordonnée et progressive les emplois producteurs de « biens »,
définis par un comité de sages comme étant utiles, écologiques,
économiques et durables, aux productions inutiles, nuisibles et
éphémères.
Dans le domaine des
énergies, l'éolien et le photovoltaïque peuvent créer 1 million
d'emplois en Europe.
Dans le domaine agricole,
une réforme agraire pourrait compenser l'énorme perte d'emplois
issus de l'exode rural qui n'a cessé de croître depuis l'après
guerre ; de telle sorte que bon nombre de jeunes, éduqués au
respect de la terre ainsi qu'à d'autres pratiques agricoles,
réhabilitent le tissu rural en inventant une autre ruralité déjà
initiée par les néo-ruraux courageux, inventifs et hautement
responsables.
Le retour à la campagne
doit se faire dans la démarche d'une vision profonde et globale de
la société en harmonisant le binôme : ville-campagne.
Il ne s'agit ni d'une
campagne résidentielle, qui serait écologiquement pire que la
ville, ni d'une campagne refuge, pour fuir les réalités, ni d'une
campagne uniquement agricole, ni — encore moins — de transférer
les usines à la campagne, mais d'instaurer une campagne
multifonctions où l'on produit, consomme, cultive, éduque sur
place. Bref, d'inventer une nouvelle culture qui, sans nier
l'histoire, aurait pour valeur essentielle le respect de la vie.
Quelles seraient les
mesures et/ou lois à mettre en place par une « bonne » politique
écologique ?
Patrick Baronnet :
Je pense que l'aménagement du territoire est la clef de la
résolution du problème de l'emploi. Il s'agit de s'orienter vers la
satisfaction de l'essentiel des besoins primaires dans une proximité
telle que les transports puissent se réduire pour une bonne part à
la marche à pied ou à la bicyclette, sans exclure les transports en
commun.
Précisons que la grande
ville, quels que soient les modes de transports individuels et les
efforts louables de bon nombre de citadins piétons, nécessite des
transports insoupçonnés pour acheminer les marchandises des lieux
de productions distants parfois de milliers de kilomètres.
Dans votre champ
d'expérience, quelles seraient les mesures ou/et lois que vous
aimeriez voir voter ?
Patrick Baronnet :
- Libérer des terres pour
tous ceux qui souhaitent vivre la sobriété heureuse.
- Rénover en profondeur les
permis de construire.
- Autoriser et encourager
les techniques d'épurations naturelles pour les maisons
individuelles. Encourager les maires novateurs pour des lotissements
écologiques.
Interview réalisé par Jean
Marc Governatori (Politique écologique = plein emploi)