Tuesday, August 22, 2006

L'ermitage des hauts cantons languedociens

Michel Jourdan, l'auteur du livre "La vie d'ermite", préfère la pénombre des forêts.
En 1998, il s'était donné beaucoup de mal pour m'aider à trouver ce mazet isolé avec eau et heureusement sans électricité. L'ensoleillement exceptionnel du site permettait d'envisager l'auto-suffisance énergétique grâce aux panneaux solaires.
"Il existe une fraternité, une confrérie oecuménique d'ermites, sans qu'ils le veuillent d'ailleurs. La preuve en est des affinités entre les poèmes de l'ermite chinois Han-Shan (7ème siècle) et les poèmes de l'ermite irlandais Suibne du 7ème siècle lui aussi, décrivant la même vie que Han-Shan, la vie érémitique et sa sauvagerie, commune aux deux ermites, et la même en Chine ou en Irlande !"
(Michel Jourdan "La vie d'ermite" Albin Michel.)

Monday, August 21, 2006

Le néo érémitisme sans dogme ni gourou

Réduire ses besoin permet de vivre librement.
Au début des années 1970, Ivan ILLICH, dénonçait la servitude née du mode industriel de production, le gigantisme des outils, le culte de la croissance indéfinie.
Les sectes et les gourous ne conseillent pas à leur clientèle l'érémitisme sauvage pratiqué depuis toujours par les contemplatifs et les philosophes. De 1845 à 1847, Henri Thoreau s'était établi dans une cabane près de Walden.

Friday, August 18, 2006

L'ermitage hivernal

Les moines irlandais étaient célèbres pour leur ascèse : jeûnes, veilles, immersions dans l’eau glacée.
Au Japon, le TAKIGYO est une ascèse peu pratiquée par les frileux. Des bouddhistes et des adeptes du Shinto montent des sentiers enneigés jusqu’aux cascades et se placent sous l’eau glacée.
L’embrasement dévotionnel des mystiques serait aussi efficace que le fameux TOUMO de MILAREPA, le yoga du feu. Les extases de la carmélite Marie-Madeleine de PAZZI s’accompagnaient de phénomènes inexpliqués comme " l’incendie d’amour ", dont le rayonnement était ressenti par son entourage. Au 17ème siècle, Maria VILLANI était une âme enflammée, selon son biographe Francis MARCHESE, elle devait boire plus de quinze litres d’eau glacée pour apaiser le feu divin qui la consumait. Dans la Bible, le prophète Jérémie parle d’un feu dévorant allumé dans ses os. Angèle de FOLIGNO avait chaud au point d’ignorer la pudibonderie chrétienne. Elle écrit dans le " Livre des visions " : " Il me fut donné un tel feu que, debout près de la croix, je me dépouillais de tous mes vêtements. "
D’autres mystiques chrétiens n’avaient pas besoin de tricoter pour éviter la morsure du froid : Philippe de NERI, Catherine de GENES, Stanislas KOSTKA, Stéfana QUINZANI, Véronique GIULIANI, Sérafina di DIO, Paul de la CROIX, Gemma GALGANI…

Thursday, August 17, 2006

Le yogi, l'hypothalamus et la graisse de baleine

Les habitants des terres glaciales redoutaient la déperdition de chaleur. Pour la diminuer, certains peuples s’enduisaient le corps d’huile, de graisse, de beurre ou conservaient leur crasse. Les Tartares de Mongolie se lavaient si rarement que les chinois les appelaient les " TSA-T’A-DZE ", les " tartares puants ". A l’extrême Sud de l’Argentine, n’ayant pour toute chaleur que son joli nom, la Terre de Feu est une région humide et froide. Les indiens, ALAKALOUFS et YAHGANS, particulièrement aguerris aux intempéries, y vivaient nus, le corps enduit de graisse de baleine.
Notre thermostat cérébral, " L’hypothalamus, dit MARCHETTI, peut choisir de diminuer la consommation d’énergie par une baisse momentanée de la température corporelle. C’est le moyen adopté par l’organisme des BUSHMEN du désert du KALAHARI et des indiens péruviens qui vivent à 4500 m. La température interne des aborigènes du nord de l’Australie est normale, mais une vasoconstriction des vaisseaux cutanés réduit les échanges thermiques avec l’extérieur et limite la déperdition.
L’organisme d’autres ethnies, comme les lapons et les femmes plongeuses japonaises ou coréennes, lutte contre le froid en utilisant les deux moyens : baisse de la chaleur interne et de la circulation sanguine à la périphérie.
L’adaptation métabolique des ESQUIMAUX et des indiens de la Terre de Feu leur permet de surélever la température de leur peau par vasodilatation des vaisseaux."
Ainsi prévenu, le yogi anachorète, supportera mieux l'hiver grâce à un hypothalamus en bonne état de marche. En cas de panne, le beurre remplacera la graisse de baleine (l'espèce est en voie de disparition).
Pour ma part, je me contente d'un bon poêle et de vêtements chauds.

Tuesday, August 15, 2006

Ermites russes

ERMITES AU CŒUR DE LA TAÏGA


Dans l’immense forêt sibérienne, là où les monts de l’Altaï rejoignent ceux du Saïan, vivait une famille de vieux-croyants qui avait fuit le monde depuis plus de quarante ans.

Les vieux-croyants, les " raskoloniki " s’opposèrent aux réformes religieuses de NIKON le patriarche de Moscou. Ils tenaient à conserver dans son intégrité " l’ancienne foi ", de là le nom de vieux-croyants ou de vieux-ritualistes. Cette crise fit émerger des profondeurs populaires, une mystique libertaire parmi de nombreuses sectes, notamment :

Les " bezpopovtzy ", littéralement : " sans prêtres ", déclaraient l’inutilité du clergé.

Les " nietoutzy " niaient la valeur des sacrements et des rituels.

Les " stranniki ", " pèlerins " refusaient la vie sédentaire. Ils menaient une existence errante, en pèlerins perpétuels.

Les " biégouny " , les " fuyards " prônaient la fuite. Ils rejetaient l’autorité du tsar Pierre-le-Grand, " l’incarnation de l’Antéchrist ", selon eux. Ils abhorraient toutes les lois impériales et cléricales, les papiers d’identité, l’argent, les jeux… Ils décrétaient : " L’amitié avec le siècle est une hostilité contre Dieu. Il faut fuir et se cacher ! "


Fuir et se cacher

" Fuir et se cacher " était la devise de cet érémitisme radical qui durant plus de trois siècles avait poussé les vieux-croyants dans les régions les plus sauvages de l’empire russe. Après une longue errance, un groupe de cette secte s’installa sur l’Abakan, dans une région impénétrable du Saïan. Durant les années 1930, une famille, les LYKOV, rompit avec la communauté pour vivre en anachorète au cœur de la taïga.

Les LYKOV étaient redevenus " les enfants libres de la nature ", si chers à Edward CARPENTER. Cet ancien élève de Cambridge, issu d’une famille aisée, détestait règles et prônait la simplicité de vie. Sa tentative de retour à la nature, après avoir acheté une ferme, se solda par un échec. Il n’avait pas la formidable vitalité des ermites de la taïga.

LA CUEILLETTE SIBERIENNE

Les ermites trouvaient une grande partie de leur nourriture dans la Taïga. " Sans ses fruits, écrit Vassili PESKOV, l’homme ne pourrait pas y vivre longtemps dans l’isolement total. Dès avril les bouleaux donnaient leur sève. On la recueillait dans des seaux d’écorce. S’ils n’avaient pas manqué de vaisselle, les LYKOV en auraient sûrement fabriqué du sirop, par réchauffement. Mais allez poser un seau d’écorce sur le feu… On plaçait le seau dans le torrent, réfrigérateur naturel où la sève se gardait longtemps.

" Après la sève de bouleau, on allait cueillir l’oignon sauvage et l’ortie. De l’ortie on faisait une soupe et l’on séchait des bottes pour l’hiver, utiles à la " robustesse du corps ". L’été venu, on ramassait les champignons (que l’on mangeait cuits au four et bouillis à l’eau), la framboise, la myrtille, l’airelle rouge, le cassis. (…)

" Fin août arrivait le temps des récoltes, reléguant à l’arrière-plan tous les autres soucis. On allait à la cueillette des pommes de cèdre dont les graines faisaient office de " pommes de terre de la taïga ". Les cônes de cèdre les plus bas étaient décrochés à l’aide d’une longue perche de sapin. Mais il fallait toujours grimper à l’arbre pour secouer les plus hauts. Tous les LYKOV – les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes – grimpaient aux cèdres avec aisance. Ils jetaient les pommes dans des cuves creusées, puis les décortiquaient sur des râpes en bois. Ensuite les graines séchaient à l’air. Une fois propres et sélectionnées, elles se conservaient dans les récipients d’écorce, à l’intérieur de l’isba et des garde-manger, protégées contre l’humidité, les ours et les rongeurs. " 

Vasili PESKOV, Ermites dans la Taïga.


" Dans ma longue vie de grand reporter, dit Vassili Peskov - qui a travaillé depuis plus d'un demi-siècle pour le même quotidien moscovite, la Komsomolskaya Pravda -, j'ai pu côtoyer de près des célébrités hors pair qui m'ont beaucoup impressionné. Je pense entre autres au maréchal Joukov, au cosmonaute Youri Gagarine, au savant voyageur Thor Heyerdahl... Mais la personnalité la plus intéressante que j'aie connue, la plus fascinante, la plus attachante aussi, reste à mes yeux celle d'Agafia Lykova. " Née en 1945 dans la forêt sibérienne, Agafia est la dernière survivante de la famille Lykov, retirée depuis 1928 dans la taïga pour une incroyable robinsonnade d'un demi-siècle, puis " découverte " en 1978 par un groupe de géologues. Vassili Peskov révéla l'aventure dans le livre "Ermites dans la taïga", qui s'achevait sur le désir d'Agafia de continuer à vivre solitaire et en autarcie. De nombreux lecteurs se sont interrogés sur le destin de cette femme courageuse qui avait choisi de ne pas revenir à la civilisation. 

Dans Des nouvelles d'Agafia de Vasili PESKOV, basé sur des voyages effectués de 1992 à 2008, on voit l'héroïne malgré elle évoluer au fil des ans. Tandis que l'amitié perdure avec Erofeï, de nouveaux candidats à la vie érémitique clans des conditions primitives et difficiles rejoignent Agafia, dont Sergeï artiste peintre, et l'étonnante Nadia, venue elle aussi se perdre au fin fond de la Sibérie.